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La photographie comme voie à l’autonomisation ou Harouna avec les enfants autistes

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photo: deux jeunes photographes au Centre ABAPE [1]

* * *

Günther Lanier, Ouagadougou 17 juillet 2024[2]

* * *

J’avais été invité à l’exposition «L’autre regard».

Vraiment, mon ami photographe Harouna Marané, dans son dynamisme, ne laisse échapper aucune opportunité pour divulguer son art, pensais-je.

Pour le vernissage fin juin, je n’étais pas encore rentré de mes congés, mais je suis revenu à temps pour l’exposition qui était affichée jusqu’à vendredi avant-dernier. Ce vendredi avant-dernier, je me suis donc rendu au siège de l’ABAPE à Wemtenga[3], lieu de l’action et de l’exposition.

Une des monitrices des enfants autistes du Centre m’a accueilli chaleureusement. Mais grande était ma surprise quand elle m’a fait comprendre que l’exposition s’était limitée au vernissage le samedi avant : «Mais l’expo, c’était samedi !» Selon ses dires, tout de suite après, l’on avait démonté toutes les photos. On les gardait dans une chambre du centre. En principe, je pourrais les y regarder. Seulement que le responsable n’était pas présent pour le moment…


l’invitation à l’exposition – l’affiche est identique sauf qu’il lui manque la partie en gris foncé à gauche avec l’écriture «invitation»

La secrétaire de l’ABAPE, chez laquelle la monitrice m’a mené ensuite, a confirmé tout cela, m’ayant d’abord questionné longuement sur qui j’étais et pourquoi je voulais voir les photos. Je n’avais qu’à attendre, le responsable était en route…

Je n’ai pas attendu. Une telle attente peut durer des heures. Pourrais-je repasser plus tard ? Non, ce ne serait pas une solution, le responsable allait probablement juste faire un saut au centre et repartir peu de temps après.

Je n’y comprenais que dalle. Une exposition qui, en lieu d’une semaine, ne dure qu’un vernissage ? Et puis un tel tohu-bohu à propos de la permission de regarder des photos démontées, photos qui étaient pourtant censées être accessibles au public général ? En effet, une soumission entière et totale au chef correspond à la hiérarchisation extrême parmi les Mossi (qui représentent à peu près la moitié des Burkinabè). Mais d’habitude, si l’on insiste assez, de telles situations se laissent résoudre amicalement et de manière satisfaisante pour les deux côtés. Qu’est-ce qui s’était mal passé cette fois ?

Ne vous faites pas une opinion de manière hâtive – la solution de l’énigme se trouve plus en bas dans cet article.


la plaque au portail du Centre pour enfants autistes de ABAPE [4]

Le lieu de l’exposition – pardon : du vernissage – était le Centre de prise en charge éducative pour les enfants autistes et déficient intellectuels de l’ABAPE, l’Association Burkinabè d’Accompagnement Psychologique et d’aide à l’Enfance. Il faut noter que, au Burkina, en ce qui concerne psychiatrie et psychologie, le manque est encore plus prononcé que pour le reste du secteur du secteur santé. Le traitement de maladies mentales, trop souvent, ne comprend que l’enfermement si ce n’est pas l’enchaînement des concerné.e.s à la maison.

A cet égard, l’ABEPE[5] fait un travail très important dans un secteur négligé d’une façon blâmable. Bien que le nombre de personnes vivant avec l’autisme ne soit pas connu, nous pouvons sans doute nous laisser guider par les chiffres du Nord global où on a compté entre 6 et 7 pour mille. Pour la ville de Ouagadougou, cela signifierait au moins 12 000 personnes vivant avec des troubles du spectre de l’autisme[6].

«Les caractéristiques de l’autisme de la petite enfance, qui apparaissent avant que l’enfant ait trois ans, sont les plus prononcées dans trois domaines :
      les interactions sociales avec les autres;
      la communication;
      les comportements répétitifs et stéréotypés.»[7]

Il y a des centaines de variantes d’autisme. Pas tou.te.s les concerné.e.s ont besoin de soins. Si l’on traite, alors il faut une thérapie sur mesure pour chacun et chacune. Beaucoup d’enfants autistes abandonnent l’école. C’est sur eux que l’ABAPE focalise son programme en offrant une éducation, une formation alternative[8]. Les parents sont systématiquement impliqués dans la thérapie. Il s’agit de faciliter une meilleure interaction des enfants avec leur milieu et d’améliorer leurs compétences cognitives, sociales et – si possible – scolaires.

D’y contribuer à travers son art, son métier de photographe, cela a été rendu possible pour Harouna grâce au Fonds Africain pour la Culture[9]. Ce fonds finance des projets de culture et d’art innovatifs de tout genre. Il faut noter qu’au Burkina, l’art et la culture sont eux aussi des secteurs négligés de façon blâmable, en temps de terrorisme et des vaches maigres qui en résultant encore plus qu’avant.

Harouna est un excellent photographe, polyvalent et entreprenant, qui a accumulé beaucoup d‘expérience et qui n’a pas seulement travaillé et exposé ses œuvres au Burkina, mais aussi en Allemagne et tout récemment en France. A Munich il a contribué à l’exposition collective sur le soulèvement populaire de 2014. Pendant ces dernières années, je lui ai dédié plusieurs articles[10].

Le projet que Harouna a soumis en mi-2023 au Fonds Africain de Culture lors de son 13e appel à proposition appelé «Spécial Inclusion», était une formation, une initiation de deux semaines à la photographie pour vingt enfants autistes avec, pour conclure, un vernissage et une exposition des photos prises par les participant.e.s.

Parmi les 96 soumission provenant de 14 pays africains, Harouna Marané était un des 15 heureux sélectionnés[11].

Il faut noter que Harouna, il y a quelques années de cela, avait déjà mis en œuvre un projet semblable avec des enfants défavorisés d’une banlieue de Ouagadougou. Il les avait équipés d’appareils photo jetables. En résultait, comme voulu, une documentation du quotidien des enfants participants.

Aucun des enfants autistes n’était obligé de participer. Le volontariat est un des principes de base de l’ABAPE. Il s’agissait d’utiliser les appareils photo comme moyens pour apprendre à mieux s’exprimer et mieux communiquer – ce sont en général les points faibles des personnes vivants avec des troubles du spectre de l’autisme.

La production d’images de leurs proches et de leur vie de tous les jours, le focus sur leur environnement était censé les aider à mieux se rendre compte de leurs propres perspectives.

A travers la photographie, ce ne sont pas seulement créativité, attention et conscience des enfants qui vont être boostées, mais la qualité des rapports avec les autres tout court. De manière ludique et souvent tout à fait artistique, les «bons» comportements peuvent ainsi être renforcées, et les «mauvais» contrecarrés[12].

Dans tout cela, il fallait favoriser et cultiver le «travail» en équipe, donc en groupe.

Harouna a certainement réussi, d’éveiller l’intérêt et l’engouement des enfants autistes. Dans cet article, je ne peux malheureusement pas vous monter la vidéo de cinq minutes faite du vernissage. Là, à travers les questions et les réactions de la ribambelle serrée d’enfants (les parents se tenaient en retrait), il est plus qu’évident combien ce projet de photographie a été un succès.

Une possibilité pour vous, chères lectrices et chers lecteurs, de participer quand-même un peu, est de voir l’article dans La Tribune du Faso : on profite même si l’on ne fait que regarder les photos du vernissage.

Surtout le mélange de joie et de fierté sur le visage du garçon de la toute première photo de cet article ne saurait pas mentir concernant l’avoir photographié soi-même[13]. Harouna avec tout son art n’était que relais.

Un très beau projet! Merci Fonds Africain pour la Culture! A toi, Harouna, mes félicitations les plus chaleureuses!

Et voici la solution de l’énigme que j’ai promise au début:

Que les photos aient été démontées tout de suite après le vernissage, qu’il n’y ait en fin de compte pas eu d’exposition, n’est tout d’abord pas grave : la valeur artistique des images et la reconnaissance par un public intéressé en art (y inclus moi-même) n’était pas du tout le focus – il s’agissait de rendre les enfants et leurs parents heureux. Et enfants et parents avaient déjà trouvé leur compte lors du vernissage.

Et puis, lors de ce vernissage, il s’était avéré qu’il aurait été impraticable de laisser les photos accrochées aux murs du Centre. Les enfants – qu’il s’agisse de photographes ou de photographiés – en étaient tellement émerveillés qu’ils voulaient rentrer en possession des photos à tout prix. Si ces photos étaient restées accrochées au Centre, accessibles à tous et toutes qui fréquentent et utilisent le Centre, elles auraient très vite été démontées par les enfants. Les gens de l’ABAPE, avec le consentement de Harouna, ont ainsi devancé les enfants.

En tout cas moi, ni d’une façon ni de l’autre, je n’aurais pas vu les photos le vendredi suivant 😊.

* * *

Notes de fin:

[1] Toutes les images de mon article d’aujourd’hui ont été mis à ma disposition par Harouna Marané pour l’article.

[2] L’original allemand de cet article a été publié mercredi dernier sur Radio Afrika et Africa Libre. Traduction GL.

[3] Un quartier à l’est de la partie centrale de la capitale burkinabè Ouagadougou.

[4] L’image est une capture d’écran du début de la vidéo de quelques cinq minutes que Harouna a fait confectionner sur le vernissage du samedi 29 juin 2024.

[5] Voir http://www.abapebf.org/, sur Facebook: https://web.facebook.com/abape.bf/?locale=de_DE&_rdc=1&_rdr.

[6] La source des chiffres est autismus Deutschland e.V. A ma surprise, il n’y a pas de données non plus pour l’Allemagne – les 6 à 7 pour mille sont issus de recherches dans d’autres pays européens, au Canada et aux Etats-Unis. Voir https://www.autismus.de/was-ist-autismus.html.

[7] Voir https://www.autismus.de/was-ist-autismus.html. Traduction GL.

[8] Si cela paraît possible, l’ABAPE tente une réintégration dans le système scolaire «normal».

[9] En anglais African Culture Fund. Voir https://www.africanculturefund.net/.

[10] Günther Lanier, Fotografische Reise ins Obervolta rund um die Unabhängigwerdung oder Der Fotograf als Archivar, Ouagadougou (Africa Libre) 18 janvier 2023, https://www.africalibre.net/artikel/483-fotografische-reise-ins-obervolta-rund-um-die-unabhaengigwerdung respectivement Vienne (Radio Afrika TV) 18 janvier 2023, https://radioafrika.net/fotografische-reise-ins-obervolta-rund-um-die-unabhangigwerdung/.
GL, «Un appareil photo est plus fort qu’une mitrailleuse – soyez responsables en l’utilisant». «Terre de Cheval», version photographique d’un mythe national par Harouna Marané, Ouagadougou (Africa Libre) 9 juin 2022, https://www.africalibre.net/articles/445-terre-de-cheval–version-photographique-d-un-mythe-national-par-harouna-marane respectivement Vienne (Radio Afrika TV) 9 juin 2022, https://radioafrika.net/un-appareil-photo-est-plus-fort-quune-mitrailleuse-soyez-responsables-en-lutilisant-terre-de-cheval-version-photographique-dun-mythe-nati/.
GL, Die Unabhängigkeit der Kunst. Oder: Wer braucht schon ein Thema? Ouagadougou (Africa Libre) 3 novembre 2021, https://www.africalibre.net/artikel/109-die-unabhangigkeit-der-kunst respectivement Vienne (Radio Afrika) 3 novembre 2021, https://radioafrika.net/die-unabhangigkeit-der-kunst-oder-wer-braucht-schon-ein-thema/.
GL, La vie derrière les masques. Harouna Marané à Ouagadougou, quand “la maladie“ faisait encore peur, Ouagadougou (Africa Libre) 2 décembre 2020, https://www.africalibre.net/articles/183-la-vie-derriere-les-masques-ou-harouna-marane-quand-la-maladie-faisait-encore-peur respectivement Vienne (Radio Afrika TV) 2 décembre 2020.

En ce qui concerne l’exposition sur le soulèvement populaire fin 2014 respectivement le catalogue l’accompagnant voir GL, Fotos aus dem Land der Integren: Peter Stepan (Hg.), Der Volksaufstand in Burkina Faso, Oktober 2014. Für eine gerechtere Welt. Eine Buchbesprechung, Deutsch-Burkinische Freundschaftsgesellschaft, Burkina Info 2-2017, Karlsruhe, Dezember 2017.

[11] Voir https://www.africanculturefund.net/resultats-de-lappel-a-propositions-13-sahel-articipation-un-appel-a-propositions-special-inclusion/. Pour le Fonds en général voir https://www.africanculturefund.net/ ainsi que https://web.facebook.com/africanculturefund.

[12] En langue scientifique, on parle apparemment d’«extinction», terme plus que brutal.

[13] Voir Ines Tougma, Art: Des enfants autistes s’expriment à travers, «l’autre regard», La Tribune du Faso 29 juin 2024, https://www.latribunedufaso.net/?p=14574.

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